De mon engagement politique

Publié le par Abou-Bakr MASHIMANGO

« Les philosophes n’ont fait qu’interpréter le monde de diverses manières ; ce qui importe, c’est de le transformer ». (Karl Marx).

 

Mes premiers pas en politique

 

Il m’arrive souvent de m’interroger sur mon engagement politique. J’ai fait mes premiers en politique en travaillant dans l'administration centrale rwandaise. Fonctionnaire assistant du bourgmestre en charge des affaires sociales et culturelles, Rédacteur des commissions, Secrétaire a.i. de la Commission politique et Chef de Division Coopération à l'Assemblée nationale de transition et Directeur au Cabinet du ministre des affaires étrangères et de la coopération où j'ai exercé les fionctions de Secrétaire particulier du ministre, j'ai appris à observer, analyser et comprendre les agissements des hommes politiques. J'ai également  appris comment fonctionnaient les rouages politiques et administratifs et compris comment un petit fonctionnaire, « naïf », innocent pourrait être pris pour cible d’une machinerie politicienne. J'ai surtout acquis les connaissances de base sur des questions générales et appris à subir des pressions, amélioré mon savoir et savoir-faire politique, construit ma personnalité ainsi que mon engagement politique : le désir de servir les autres, de résoudre les problèmes, de participer aux décisions qui affectent le grand nombre, d’apprendre comment le pays est gouverné et de devenir un jour « dirigeant ». J’ai compris ainsi qu’il faut, pour cela, les capacités, le talent, les compétences, une tenace volonté et une ambition. C’est cette dernière qui fait qu’un individu accepte de se soumettre à l’épreuve  d’une campagne politique souvent pénible, puis, par la suite, de se trouver exposé à l’œil critique et vigilant de l’opinion, et en proie des « méchants » détenteurs du pouvoir. J'ai ensuite pensé qu’il fallait améliorer mes compétences. D’où mon départ du Rwanda.

 

Le pourquoi du comment

 

Evoquer mon engagement politique, c’est soulever une foule de questions sur le pourquoi du comment, c'est-à-dire les raisons de mon engagement, mes convictions, autrement dit ce que je porte et ce en quoi je crois.

 

Les conditions de vie dans lesquelles mon entourage, mes amis et moi-même vivions, m’ont vite appris que la première condition de toute existence humaine, donc de toute l’histoire, c’est que les hommes doivent être en mesure de vivre pour être capables de « faire l’histoire ». Or, pour vivre, il faut avant tout manger et boire, se loger, se vêtir et maintes autres choses encore. Le premier acte historique, c’est donc la création des moyens pour satisfaire ces besoins. C’est là un acte historique, une condition fondamentale de toute l’histoire que l’on doit aujourd’hui, tout comme il y a des millions d’années, remplir jour par jour, heure par heure, rien que pour maintenir les hommes en vie. Et il est bien certain qu’aujourd’hui encore cette tâche élémentaire n’est pas remplie, même dans les sociétés techniquement les plus évoluées comme la France, où nous assistons impuissamment à une manifestation du mystère de la rencontre de la misère.

 

La deuxième condition préalable que j’ai pu constater, c’est que, une fois satisfait le premier besoin lui-même, le geste de le satisfaire et l’instrument créé à cette fin conduisent à de nouveaux besoins (les besoins secondaires, mais aussi très importants). C’est cette production de nouveaux besoins (l'éducation, soins médicaux...) qui constituent le deuxième acte historique. Mais le comble est que là où j’ai grandi le premier besoin n’a jamais été satisfait. Il est bien entendu que l'on ne pense même pas au deuxième.

 

 La troisième relation qui intervient avec le développement historique, c'est-à-dire le premier et deuxième acte historique, c'est que les hommes, tout en renouvelant quotidiennement leur propre vie, commencent à créer d’autres hommes, c’est-à-dire à se reproduire. C’est la relation entre l’homme et la femme, entre parents et enfants: c‘est la famille. La production de la vie, qu’il s’agisse de sa propre vie ou de la vie d’autrui par la procréation, est donc une relation double, tant naturelle que sociale. 

 

En effet, ma conception de la politique consiste en ce que tout programme politique actualisé se doit alors de lier étroitement le naturel, le social et l'économie. Vous comprendrait donc que ma conception politique est sociale, c'est-à-dire marxiste. C'est une conception politique qui s’attaque en même temps aux conséquences et aux causes de la misère, qui privilégie la solidarité et le partage des ressources de la nation. Ce faisant, de meilleures conditions de vie et de travail me paraissent alors comme le point de départ décisif de l’essor de mon action politique et économique. Il s’agit d’une politique sociale cohérente qui s’ordonne autour de thèmes centraux :

-         priorité aux plus défavorisés,

-         lutte contre les inégalités (donc les discriminations dans toutes ses formes: sociales, ethniques, culturelles, cultuelles, etc.),

-         progrès et justice sociale,

-         démocratie.

 

Mon choix politique est donc de faire le plus pour ceux qui ont le moins. Il s'agit d'éradiquer les conditions qui tirent le peuple vers le bas, qui freinent et bloquent son développement social. La priorité aux plus déshérités comme moteur de progrès, du changement politique et économique, est la clé de mon engagement politique. Il s’articule sur les points suivants :

-        l’amélioration des conditions de vie et de travail en faveur de la masse des travailleurs (paysans, ouvriers) et en premier lieu à ceux qui aujourd’hui peuvent le moins consommer alors qu’ils travaillent dur : "les travailleurs pauvres".

-        La qualification des travailleurs, adapté leurs compétences et leur savoir-faire aux progrès scientifiques et technologiques par le biais de la formation professonnelle tout au long de la vie. Ce qui conduit au développement de la recherche et de la production. La complexité croissante de fabrication n’exige-t-il pas davantage de travail qualifié ?

-         La mise en place d’une véritable démocratie, en posant la question des travailleurs, des ouvriers, des paysans (les populations les plus exploitées dans la direction du pays), dans la gestion du secteur public, dans le contrôle des grandes entreprises privées.

-        Relèvement massif des plus bas salaires en ouvrant largement la hiérarchie des salaires et des revenus, en tenant compte les différences effectives dans la qualification, dans l’exercice réel des responsabilités et dans l’ancienneté. Il faut rappeler que la réduction des inégalités de revenus et la révision de la hiérarchie des salaires sont indispensables pour les raisons mêmes qui justifient l’élimination rapide de la pauvreté.

 

Pour quelle ambition politique.

 

A force de discuter avec les élu-e-s et autres personnes politiquement et socialement engagées, comme les syndicalistes et autres personnes de la société civile, je me suis rendu compte qu’ils avaient tous des raisons presque semblables pour s'engager : le renversement de la spirale. En ce qui me concerne, mon engagement politique est une révolte contre le statu quo. C’est contre l’autoritarisme, la pauvreté, la peur du lendemain que je me suis engagé. Mon ambition est de prendre le chemin inverse, c’est-à-dire celui de la vie heureuse, de liberté, de solidarité, d’égalité, de justice et de droit, non pas en tant que spectateur, mais comme acteur. Pour ce, il fallait prendre le chemin qui corresponde à mes convictions, la route qui mène à une politique répondant à aux intérêts profonds des habitants : la lutte contre la pauvreté, le combat pour la sécurité de la vie, pour l’allègement de la charge de travail… à telle enseigne que le temps et les moyens de vivre deviennent des objectifs prioritaires. C'est dans ce contexte que j'ai rencontré Karl Marx et embrassé le marxisme. Le changement de perspectives, tel que je le conçoit, consiste en ce que l’économie, ce sont d’abord des hommes et des femmes, donc un rapport social. C’est pourquoi il faut créer des productions nouvelles socialement utiles : produire plus et mieux, aménager autrement le territoire, rééquilibrer progressivement les activités économiques et sociales, lutter contre l’exploitation de l’homme par l’homme en mode capitaliste de production. Concrètement, il s’agit de mettre sur la table de discussion la question du quotidien, d’abri, du travail (surtout celle des « travailleurs pauvres » qui sont de plus en plus nombreux), de l’explosion des hauts salaires, des dividendes, du commerce des armes légères, du fleurissement de la grande misère et de la famine, des enfants de la rue, la problématique des conflits armés, etc.

 

Le développement de la misère dans l’arrière pays du Rwanda est le signe le plus considérable et le plus significatif que présentent les sociétés qui imitent le capitalisme à tout va. Là, si vous osez y pénétrer, vous verrez à chaque pas des hommes et des femmes flétris par la dictature et par la misère ; des enfants à demi nus et malnutris qui pourrissent dans la saleté alors que les bâtiments sortent de la terre comme de champignons à Kigali. Vous rencontrerez des millions d’hommes  qui, à force d’abrutissement, de peur et d’anxiété, vivent dans dépression physique, intellectuelle et morale. Vous apercevrez la misère sous un aspect horrible qu’elle vous inspirera plus de dégoût que de pitié, et que vous serez tenté de la regarder comme le juste châtiment d’un crime ! Triste compensation à l’accroissement de la richesse que nous indiquent les chiffres officiels de Kigali! La privatisation sauvage, les fractures et les angoisses sociales dues à la rupture des liens de la solidarité générale des sociétés et replie sur des solidarités particulièrement ethniques, les déséquilibres démographiques entre Kigali et l'arrière pays, les inégalités dans l'accès aux ressources naturelles... autant des maux qui ruinent le pays de mille collines.

 

Face à cette situation, il est temps de changer de cap et réfléchir sur l'avenir de nos progénitures. Pour moi, la solution serait de revenir à la nationalisation des entreprises qui ont été privatisées: Eletrogaz, Rwandatel, Imprimerie nationale, Régie de l'imprimerie scolaire, onatracom, etc. La rénationalisation est un acte politique majeur qui consiste à étendre le secteur public dans tous les domaines de la vie sociale et économique. La nationalisation préfigure en effet l'abolition du caractère marchand de la force du travail. C'est une gestion démocratique qui permet d'intervenir en matière de durée et d'intensité du travail. Changer la vie, vivre mieux n'impliquent-ils pas la démocratisation profonde de la vie sociale, la promotion et l'élargissement des droits politiques, associatifs et syndicaux? Il s'agit de rendre impératif une transformation des rapports entre les hommes, c'est-à-dire une autre conception de la vie sociale, une solidarité active, un essor de l'initiative et de la responsabilité individuelles.
 
Vaincre le chômage, c'est mettre au travail des centaines de milliers d'hommes et de femmes qui créent de richesses qu'ils ne peuvent en consommer; c'est améliorer la santé de tous les habitants par une action systématique de prévention et de soins de proximité; c'est de toute évidence réduire les coûts sociaux de la maladie. Selon mon entendement, le rpogrès social consiste en la réduction des économies sur les gâchis actuels (la guerre en RDC et autres folies meurtrières) et en la création des ressources nouvelles par l'augmentation de la masse et de la qualité des richesses produites par l'agriculture. Les richesses doivent donc être là où elles doivent naître, c'est-à-dire dans les villages, les districts ou les provinces.

Publié dans aboumashimango

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F
Qui éliminera l'inégalité entre pauvre et riche sur cette planète Terre?
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