Vivre libre ou mourir
Ce n’est pas avec les beaux mots qu’on résout les problèmes. De Chaka Zoulou à Madiba Mandela, en passant par Joseph Ignace, l’histoire est là pour nous rappeler que « le sanglier traqué se tourne vers la meute et meurt en combattant » (Propos de Delgrès, le « Toussaint Louverture de la Guadeloupe »)
Après l’indignation, ce n’est pas la résignation. Je pense que nous devons prolonger le combat. Alors débout citoyens, aux armes citoyens (avec vos bulletins de vote) : vivre libre ou mourir. Pour l’honneur du peuple nous devons rester vaillant (comme Kirikou, il est petit mais…). L’innocence violée par la force insolente qui, de l’esclavage à la colonisation, a égorgé nos ainé(e)s… nous devons nous battre contre. « Ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent », nous dit Victor Hugo.
Je vous rappelle que nous sommes la génération de la transition entre deux civilisations, la génération du sacrifice. L’esclavage et la colonisation ont réussi à inventé leurs maux. Et c’est dans tous les domaines : politiques, économiques et socio-culturels. Nos ancêtres (qui ne sont pas Gaulois) en ont beaucoup souffert. Nous en souffrons aujourd’hui. Et nous nos progénitures en souffriront encore. Car entre la tradition d’un passé glorieux et éblouissant (qu’ignorent Sarkozy et Henri Gauino parce qu’ils sont incultes) et la vie stressante de la civilisation occidentale qui consiste à courir après maintes désillusions, l’option nous semble être impossible, la synthèse délicate et incertaine. Car, par la voie de l’assimilation et de l’oubli du passé, la France veut que les principaux fondements de la civilisation occidentale détruisent notre civilisation.
Parler des « effets positifs de la colonisation » est en soi une désobligeance. A cela s’ajoute le mépris envers l’homme noir exprimé à Dakar. A ces apologistes de la colonisation, il importe de rappeler ceci : si la colonisation a été un bien (pour vous bien sûr), ses méthodes ont été mauvaises. Avait-on besoin de tuer la culture des colonisés, de la nier ? Heureusement qu’il y a eu des femmes et des hommes audacieux, qui ont eu le courage de dire à l’Europe que les nègres n’étaient pas un « peuple enfant » et qu’ils avaient une culture.
Certes, aujourd’hui la question n’est plus à ce niveau. Nous pensons que la problématique réside dans l’adoption de la civilisation occidentale en l’adaptant aux réalités culturelles des individus. C’est pourquoi nous parlons de « Négro renaissance ». Ce n’est du communautarisme (même si celle-ci est pratiquée au Sommet de l’Etat). Il s’agit de respecter la diversité. Non seulement en l’évoquant dans des salles des conférences, devant les caméras, mais dans la réalité pratique. La France est une et multiple. Que cela vous plaise ou non.
Cette mission nous incombe tous, nous les progressistes, car sans cette tradition la France ne sera qu’un bâtard aux nombreuses tendances culturelles et civilisatrices, un métis qui fatalement aura oublié sa première raison d’être.
C’est vrai que nous sommes « dociles » (comme on aime nous donner ce cliché et ce préjugé). Mais je tiens ici à mettre en garde les politiques : bien évidemment il est des êtres qui répugnent à s’insurger quotidiennement contre des détails qui n’en valent pas la peine, tout simplement parce qu’ils ne sont pas pleurnichards. Cependant, il arrivera un jour que ces individus prennent une décision que nul de ceux qui leur reprochaient leur docilité ou apathie n’eût été capable de prendre. « Qui vivra verra », dit-on. Mais déjà le flambeau anti-esclavage, anti-apartheid et anticolonial porté par nos anciens est riche d’enseignements. Si les systèmes esclavagiste, colonial et d’apartheid, malgré leur cruauté, ne se sont pas éteints avec la disparition du dernier homme noir, c’est grâce aux capacités de lutte et de résistance de l’homme noir.
Aujourd’hui la lutte qui doit être faite c’est l’unité de notre peuple, de lutter pour la réhabilité de nègres et « colored people » partout où ils se trouvent, de façon à ne plus donner prise aux vieux préjugés de couleur esclavagiste, qui aujourd’hui encore accable nos consciences. Rendre au peuple d’ascendance africaine le sens de l’histoire, de l’épopée, du projet historique voire de l’utopie contre les atavismes de la peur et le sens de la fatalité malheureusement forgé par des siècles de traite, d’esclavage et des décennies de colonisation, voilà la mission historique qui nous incombe tous.
Abélard Abou-Bakr