Les mineurs étrangers isolés: quel avenir en France?

Publié le par MASHIMANGO

«Je n'entends (toujours) pas être objectif: le droit de l'est pas! Ni nos pratiques professionnelles. J'ai simplement chaussé les lunettes du droit de l'enfance avec comme seul souci de faire progresser un tant soi peu la reconnaissance concrète des droits de l'homme». 
(Jean Pierre ROSENCZVEIG,
Président du Tribunal pour enfants de Bobigny et Président de D.E.I - France).


Le droit international insiste sur l'instauration des meilleures conditions de vie pour un enfant en vue de son épanouissement. Dans son préambule, la Convention relative aux droits de l'enfant réaffirme que l'enfant, en raison de sa vulnérabilité, nécessite une attention et une protection juridique particulières et adaptées à sa situation d'enfant. Cette nécessité de la protection spéciale est également soulignée dans la Déclaration de Genève de 1924 sur les droits de l'enfant, la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme (article 25, alinéa 2), le Pacte International des Droits Economiques, Sociaux et Culturels, et dans les Statuts de l'UNICEF et du HCR.

La Convention relative aux droits de l'enfant insiste sur la considération primordiale de l'intérêt supérieur de l'enfant dans toutes les décisions qui le concenrne, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatives. Elle considère la famille comme étant une « unité fondamentale de la société et le milieu naturel pour la croissance et le bien être de tous ses membres, et en particulier des enfants (...)» et précise que « l'enfant, pour l'épanouissement harmonieux de sa personnalité, doit grandir dans un milieu familial, dans un climat de bonheur, d'amour et de compréhension ».  Cité par Andel Mohamed El badawi, le Pr. Rico Perez souligne : « la coexistence de l'homme et de la femme, des enfants et des parents, est un signe aussi de cohésion et d'équilibre social. la discipline du foyer est formatrice de la bonne vie en commun des concitoyens. mais, pour que la famille puisse accomplir ses tâches et contribuer à la politique sociale, il est indispensable qu'elle soit basée sur les principes d'éthique et qu'elle se constitue en organisme stable. cela est fondamental pour la protection de l'enfant. L'éducation part de l'affection et de l'exemple des parents. La formation et le développement de la personnaluté de l'enfant n'est pas chose faite en quelques jours. La famille est la meilleure école. L'éducation et la formation sont des thèmes familiaux avant d'être natiionaux». De ces propos, il en ressort que la famille est un environnement primaire et propice dans lequel évolue l'enfant, c'est-à-dire le premier lieu d'intégration qui permet d'apprendre les exigences d'une vie normale. Cependant, avec la généralisation de l'usage de la force ou de la menace du recours de la force qui caractérise l'actualité politique des Etats du Sud, une nouvelle donne de la migration sest produite en France: celle les mineurs étrangres isolés (MEI). Juridiquement incapables et sans protection particulière, ces enfants consitutent à nos jours une réflexion en vue d'oeuvrer sur leur protection.

Les MEI sont des enfants sans famille ou les enfants privés de leur milieu familial que le HCR dénomme «enfants non accompagnés», c'est-à-dire les enfants spérarés de deux parents et qui ne sont pas pris en charge par un adulte qui, de par la loi ou la coutume, a la responsabilité de le faire (HCR et UIP, Protection des réfugiés: guide sur le droit international relatif aux réfugiés, genève, 2001, p. 87). Les MEI sont donc tous ces mineurs qui sont sans représentant légal en France et qui, du fait de leur vulnérabilité, leur situation situation sur le territoire français reste dangeureuse et pose la question de responsabilité juridique.

A la fois mineurs et étrangers, voire parfois demandeurs d'asile, ces jeunes se trouvent au carrefour de triple système juridique: la protection de l'enfance, l'immigration et le droit d'asile. Tout dépend de l'acteur. Faisant référence à leur situation de séjour en France, certaines opinions voient en eux des «étrangers» et les considèrent comme des «errants» ou des «fugueurs». D'autres, ne considèrent que leur aspect de demandeur d'asile. Notre réflexion s'attache avant tout à leur sort d'enfant avant toute autre considération. Par conséquent, nous estimons qu'ils doivent être pris en charge par l'Aide SociAle à l'Enfance. Qu'ils soient  «exilés» ou non, «mandatés» ou non, «exploités» ou non, «fugueurs» ou non, «errants» ou non, en vertu de l'article 2 de la Convention relative aux droits de l'enfant, nous estimons que la catégorisation des enfants est floue, non indispensable et contraire au principe même de non discrimination prôné par le droit international des droits de l'homme. D'autant plus que les motivations de leur départ du pays d'origine sont loin d'être personnelles : conflits armés, troubles et tensions internes ou dégradation des conditions socio-conomiques. Touchés par différents drames vécus en tant que témoin ou victimes, ces enfants ont doit à une protection et méritent un traitement pareticulier en raison de leur vulnérabilité. De ce fait, nous considérons que  l'application de la notion «enfance en danger» semble être la seule convenable à leur situation d'isolement. Cette notion permet leur accueil, leur prise en charge et leur accompagnement, et facilite leur insertion dans la société française. Le principe 6 de la Déclaration des droits de l'enfant proclamée par l'Assemblée générale de l'ONU, le 20 novembre 1959  - résolution 1386 (XIV) - ne précise-t-il pas que «(...) la société et les pouvoirs publics ont le devoir de donner un soin particulier aux enfants sans famille »? Selon les textes internationaux, l'enfant séparé de ses proches parents ou privés de son milieu familial doit faire l'objet d'une protection spéciale et un tuteur doit lui être nommé pour représenter son intérêt supérieur. L'Etat doit veiller à ce qu'il puisse bénéficier d'une protection familiale de remplacement ou d'un placement dans un établissemnt approprié, c'est-à-dire un lieu d'hébergement adapté à ses besoins et à sa situation d'enfant. L'article 20 de la Convetion relative aux droits de l'enfant dispose:
«1. Tout enfant qui est temporairement ou définitivement privé de son milieu familial, ou qui dans son propre intérêt ne peut être laissé dans ce milieu, a droit à une protection et une aide spéciale.
2. Les Etats prties prévoient pour cet enfant une protection de remplacement conforme à leur législation nationale.
3. Cette protection de remplacement peut notamment avoir la forme de placement dans une famille, de la
"kafalah" de droit islamique, de l'adoption ou, en cas de nécessité, du placement dans u n établissement pour enfants approprié. dans le choix entre ces solutions, il est dûment tenu compte de la nécessité d'une certaine continuité dans l'éducation de l'enfant, ainsi que de son origine ethnique, religieuse, culturelle et linguistique.»

Cette règle s'applique tant dans le cadre des interventions directes de l'Etat dans les domaines qui relèvent de sa compétence, que dans le cadre privé de la vie des familles où l'Etat peut directement intervenir par le biais des autorités locales pour garantir et protéger les droits de l'enfant. Dans le souci de réduire les soufrances nées de l'abandon, du désintérêt, de la rupture ou de la séparation avec la famille, la société française, par le biais des pouvoirs publics ou des associations, a inventé des institutions, des services et mis en place des mécanismes qui conduisent progressivement les jeunes isolés au ré-apprentissage des exigences d'une vie familiale normale et, ainsi, à l'autonomie sociale. Il faudra toutefois admettre que l'accompagnement des MEI est spécifique: non seulement il suppose des démarches inhabituelles (procédure de tutelle, administrateur ad hoc, demande d'asile, demande de régularisation et/ou de nationalité, etc.), mais aussi implique des acteurs divers (la PAF, le Parquet de la République, la préfecture, le Conseil général, la PJJ, les Tribunaux d'instances, les associations, etc.) et différents dispositifs (protection de l'enfance, droit des étrangers, droit d'asile, etc.). Cela étant, si les MEI étaient avant tout considérés comme des enfants en danger moral, physique et psychologique, les procédures juridico-administratives ne seraient pas si compliquées. Il est symptomatique que l'inégalité et la discrimination se focalisent, une fois de plus, sur des enfants parce qu'ils sont immigrés. Les dangers qu'encourent les MEI ne se limitent pas seulement à leur situation immédiate de prise en charge, c'est-à-dire au fait qu'ils soient «errants», sans protection et sans accueil. C'est plutôt et surtout celui de leur avenir, un danger à long terme car, sans représentant légal en France, ces enfants ne peuvent pas faire valoir un certin nombre des droits. Dans des nombreux cas, la protection se fait selon les sensibilités et conviction politico-idéologiques des uns et des autres. Ainsi,  plutôt que d'apporter une réponse adéquate à leur situation, le dispositif législatif exisant, emporté par la politique de la «maîtrise de l'immigration» actuelle, ne permet pas l'accueil et l'accompagnement de ces enfants dont la problématique a fait son apparition dans le débat public sous l'impulsion du monde associatif. De cette situation, il en résulte que non seulement un bon nombre de ces enfants se retrouvent à leu majorité dans une situation irrégulière, privé de toute perspective d'avenir. A cela s'ajoute le fait que même les services sociaux sont devenus de plus en plus réticent dans la prise en charge de ces mineurs sans perspectives de régularisation, parce qu'ils estiment inutile d'accueillir, d'accompagner et d'assure un suivi éducatif à des enfants sans avenir en France.

En effet, depuis 2000 les MEI font l'objet des propositions du gouvernement. D'abord, dans le cadre de la nouvelle loi sur l'autorité parentale. C'est ainsi qu'il a été adopté, en février 2002, la proposition de désignation d'un administrateur ad hoc.  L'article 35 quater de l'ordonnance de 1945 a été modifié à cet effet et désormais, en l'absence de représentant légal accompagnant le mineur étranger, le Procureur de la République, avisé de  l'entrée de celui-ci en zone d'attente, lui désigne l'administrateur ad hoc, chargé de l'assister durant son maintien en zone d'attente et d'assurer sa représentation dans toutes les procédures administratives et juridiques relatives à ce maintien. Ensuite, c'est la loi sur l'asile de 1952 qui a été modifié. L'article 12-1 ramène la majorité à 16 dans le cas de la procédure de demande d'asile. Il prévoit l'aasistance du mineur par l'administrateur ad hoc qui formule la demande tant qu'une tutelle n'a pas été prononcée. Le décret d'application définit la lioste des personnes morales ou physiques habilitées à jouer le rôle d'administrateur ad hoc. Vient également la loi n° 2002-2 du 02 février 2002 rénovant l'action sociale et médico-sopciale. Celle-ci laisse, cependant, en suspens la question de représentation légale pour les MEI ne sollicitant pas l'asile. Pourtant, leur nombre n'est pas moins important. La totale a été la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003, dite «loi Sarkozy» qui réduit les moyens légaux qui facilitaient l'accueil, l'accompagnement, l'insertion et l'intégration de ces enfants. L'article 67 de cette loi modifie l'article 21-12 du Code civil qui donnait la possibilité aux mineurs confiés à l'Aide Sociale à l'Enfance (ASE) d'acquérir la nationalité française durant leur minorité par déclaration. Un délai de trois ans de recueil à l'ASE a été demandé au minimum. Ce qui exclut de cette disposition la majorité des arrivées en France, c'est-à-dire tous les mineurs âgés de 15, 16 et 17 ans qui pouvaient faire leur déclaration devant le juge d'instance sans qu'il soit exigé de délai de prise en charge par les services de l'ASE. Les conséquences sur leur prise en charge et sur leur droit en tant qu' «enfants en dangers» est énorme. D'autant plus que rien n'est prévu en remplacement. Cette situation remet en question tout projet d'accueil et d'accompagnement de ces jeunes à cause du problème des «papiers» qui se pose avec acuité ces derniers temps. Obligés de vivre en cachette, ces jeunes ne peuvent plus suivre leur formation (aussi bien scolaire que professionnelle) en vue de leur intégration et insertion dans la société française suite à la non régularisation de leur situation.

La politique de l'immigration actuelle demeure donc une des principales difficultés pourr l'intégration et l'insertion des mineurs étrangers isolés. L'espoir fondé sur l'acquisistion de la nationalité par déclaration s'est effondré avec le CESEDA. A cela s'ajoute l'absence des dispositions administratives permettant aux jeunes confiés aux services sociaux de disposer d'un titre de séjour régulier provisoire leur permettant soit d'attendre leur majorité afin d'introduire soit la demande d'un titre de séjour plus pérenne, soit la demande de naturalisation. La tendance s'achemine  vers la  fabrication de «sans papiers». Or, les raisons de la réforme de 9 janvier 1973 qui, par la loi n° 73-42, avait supprimé le délai de cinq ans de prise en charge qui consistaient à placer les enfants privés de leur parents et ayant souvent traversés de terribles épreuves dans une situation qui leur permet de se reconstruire un avenir sur le sol français, semblent toujours être d'actualité. Parce que, contrairement à la procédure de naturalisation,  la nationalité française, pour un mineur, n'est autre qu'un moyen privilégié de l'aider à s'intégrer, et non un aboutissement d'un processus d'intégration.

Au demeurant, constatant qu'il n'y a pas de dispositif spécifique pour ces enfants (considérés d'abord comme des étrangers) et qu'en même temps, plusieurs entrées dans le dispositif sont envisageables, notre réflexion intérroge le sens à accorder à la politique d'immigration actuelle sur trois aspects:
- que deviennent les MEI en leur majorité: restent-ils en France, obtiennent-ils un statut leur permettant de résider en France?
- que se passe-t-il à la majorité si l'enfant n'est plus pris en charge?
- quelles démarches entreprendre pour un jeune entré en France à l'Age de 16 ans et qui vient d'atteindre sa majorité?




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