Problématique des droits sociaux

Publié le par MASHIMANGO

Les droits sociaux s’inscrivent dans l’histoire générale des droits avec comme point essentiel sa dimension collective.

Les droits sociaux constituent l’idéal de la raison et du progrès qui affirme un lendemain meilleur. En effet, la problématique des droits sociaux consiste aux enjeux et moyens à mettre en œuvre pour qu’ils deviennent effectifs. Contrairement aux « droits libertés » (il suffit qu’ils s’écrivent pour qu’ils soient appliqués), les droits sociaux sont des « droits de créances », c’est-à-dire les droits qui nécessitent des moyens pour qu’ils soient réalisés : droit à l’éducation, droit à la santé, droit au logement, droit au travail, etc.

 

Ainsi dit, on peut augurer que les droits sociaux sont des droits qui nous renvoient au collectif (vivre ensemble) et à la solidarité aussi bien  en Europe (I) que dans les sociétés non industrialisées (II).

 

I.                En Europe.

 

La problématique des droits sociaux est récurrente à la constitution de l’an I introduite par une déclaration des droits sociaux (droits à l’instruction, droits au travail, droits à l’assistance) à la fin du 18ème, aux 19ème et 20ème siècles et à l’ébranlement du monde par la révolution industrielle. Mais il fallait attendre la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) pour que ces droits aient une dimension internationale (articles 22, 23, 24 et 25).

 

Entre « Tout politique » de Karl Marx et le « Tout marché » du libéralisme, il était nécessaire qu’émerge et se développe les droits sociaux pour éviter de noyer les sociétés dans le « tout marchand ». Les droits sociaux sont aujourd’hui affirmés universalistes. Ils se fondent sur le principe que nous avons besoin les uns des autres (l’interdépendance mutuelle) et se concrétisent par des relations transnationales. Cependant, certaines réflexions poussent à leur catégorisation et nous amènent, ainsi, à la situation de départ. La Constitution européenne (Traité de Lisbonne) mentionne bien que l’on est dans une « économie sociale du marché ».

 

Si l’on admet que la 2ème guerre mondiale a amplifié la solidarité qui s’était produite pendant la 1ère, que les deux guerres ont joué le rôle d’accélération des droits sociaux en Europe et de leur organisation, qu’au cœur de ces horreurs l’Etat a continué à renforcer et raffermir les droits sociaux et qu’est apparue la notion de « l’Etat providence » parce qu'aider les orphelins, les veuves, les personnes âgées, les personnes démunies,… était devenu une obligation morale de la société ; il faudra également reconnaître qu’il n’y a manifestement pas des droits sociaux sans dramatisation des situations. Exemple : les congés payés ne furent-ils pas arrachés suite aux manifestations des grévistes (Front Populaire) ?

 

Ainsi dit, les droits sociaux sont une conquête, une lutte permanente, le combat de tous les jours pour le changement de la figure de la valeur dans les économies, pour un changement ou déplacement radical du paradigme et pour l’accroissement des interventions de l’Etat dans les sociétés et les économies. Ces interventions ne peuvent être possibles que grâce au développement des modèles économiques particuliers que l’on appelle « épanouissement des modèles keynésiens », modèles de croissance de production qui entrainent les prélèvements obligatoires dont les cotisations et les impôts. C’est pourquoi il est difficile de comprendre aujourd’hui le bien fondé du « bouclier fiscal ».

 

Contrairement aux époques de début du 20ème siècle, on remarque aujourd’hui une régression considérable de la prédominance du rôle de l’Etat dans les affaires sociales et le développement d’un libéralisme galopant qui oblige l’Etat de s’éloigner davantage de la mise en oeuvre des droits sociaux: « on n’a plus assez d’argent pour mettre en œuvre les droits sociaux », nous disent-ils. 

Si l’on peut affirmer qu'avec la crise les moyens financiers ont consifdérablement diminué et les marges de manoeuvre réduites, force est de constater que la réponse que nous propose Sarkozy conduit à des résultats qui, loin de résoudre les problèmes que vivent les françaises et les français au quotidien, amplifient la crise et ses conséquences sans s'attaquer à ses origines: le capitalisme financier. 

 

Nous pensons que toute proposition doit consister à l’interprétation d’un nouveau contexte sur lequel doit se fonder la solidarité, car le schéma établit (le capitalisme) n’est pas adéquat. Le modèle de l’«Etat providence » étant déverrouillé, notre interrogation porte sur la place des droits sociaux dans nos sociétés, singulièrement sur: 

-          La citoyenneté sociale dans l’accès aux droits : il s’agit de repenser les droits sociaux non seulement sur le principe d’égalité, mais aussi sur celui d’équité et d’action affirmative (pour ne pas dire discrimination positive).

 

-          La responsabilité (porter un regard critique sur la dimension assistancielle qu’on a tendance à attribuer aux droits sociaux).

 

-          L’individualisation des droits sociaux (chacun doit se voir attribuer des droits qui lui correspondent en sa qualité de personne humaine).

 

Et comme publié dans la Charte des droits de fondamentaux de l’Union Européenne, publiée en 2000, cela n’est possible que sous 3 corbeilles :

-          La corbeille des droits classiques (liberté et égalité),

-          La corbeille des droits civils et politiques avec tout un chapitre consacré à la citoyenneté,

-          La corbeille des droits sociaux.

 

II.            Dans les pays non industrialisés.

 

Dans les sociétés colonisées, les droits sociaux correspondent à toute une histoire de rupture contenue instituant des droits sociaux dans une forme résiduelle. Dans les sociétés traditionnelles précoloniales la protection sociale tournait autour de la « famille providence » dont l’important était de préserver le patrimoine familial pour les progénitures. A partir des devoirs et droits sociaux communautaires, la famille était placée au centre de toute organisation sociale et l’homme définit comme un être solidaire, né imbriqué dans un ensemble des liens solidaires et interdépendants comportant les aspects sont les suivants :

 

  1. Le principe d’éthique des liens sociaux : liens de sang et du sol (voir la définition de la famille de Joseph KI-ZERBO : « regroupement des descendants d’un ancêtre commun, soudés entre eux par des liens de sang et de sol »).

 

  1. La répartition  des tâches et des revenus comme règle essentielle pour assurer la coexistence familiale : demeurer, produire et consommer ensemble. Dans les sociétés traditionnelles, l’individu n’existe pas. Seules les sociétés (communautés) existaient et l’individu y venait avec des droits. Dans ces sociétés, les tâches sont divisées et il y existe une hiérarchie sociale fondée sur l’âge, l’expérience et le sexe avec des rites de passage, à chaque tranche de vie. Ce cheminement permettait à l’individu de s’exprimer et se valoriser à travers les tâches qui lui sont confiées par le groupe. Et au-delà des rôles familiaux, il y avait aussi des relations extra-familiales qui se fondaient sur les alliances pour mettre ensemble des biens de production ou conserver une certaine lignée sociale. D’où l’existence des associations entre les membres des familles différentes pour des activités de solidarités et humanitaires, ainsi que des entraides communautaires publiques qui se réalisaient sous des formes diverses et qui intéressaient les clans et les villages. Les surplus des productions étaient redistribués en guise des solidarités suivants les situations des crises (calamités naturelles : sécheresse, inondations, séisme,…) et situations ordinaires (cérémonies religieuses ou festives : mariages, décès, initiation, etc.), au sein des familles et dans le circuit extra-familial.

 

Comme l’écrit Georges Balandier (Sens et puissance, 1986) : « la richesse ainsi conçu n’apportait qu’assez peu d’avantages matériels à l’homme prééminent, la satiété était vite atteinte, de l’esclave au chef du lignage, les différences étaient peu marquées. On considérait celui-ci comme gestionnaire d’une richesse à caractère collectif, résultant d’un effort collectif. La richesse s’avère d’une part importante aux investissements sacrés qui doivent assurer la santé et la fécondité du groupe et plus largement la sécurité matérielle de chacun ». Dans son ouvrage Psychologie économique africaine (Paillot, 1970), Jacques Binet considère que la richesse, dans les sociétés traditionnelles africaines, était créée une fois pour toute et que l’ambition était juste de la gérer. D’où la méfiance qui entoure toujours l’homme prospère.

Cette affirmation mérite une réflexion critique. Nous pensons que ce n’est pas la prospérité qui, en réalité, était condamnée mais plutôt l’accumulation sans partage. Nous considérons que le prestige de l’homme prospère est dans sa compassion à partager. Ce qui compte dans les sociétés traditionnelles, c’est la participation et la solidarité de tous et non la personnalité de l’individu. C’est pourquoi d’ailleurs Georges Hardy pense que, face à l’esclavage, la situation allait être encore plus pire si les principes de solidarité et organisation sociales ne seraient pas restés dans la configuration des sociétés.

 

En effet, la rencontre avec l’occident et les sociétés industrielles a créé et développé un certain nombre des déséquilibres sociaux, notamment quant à l’organisation sociale. Sous prétexte de « civiliser les peuples indigènes » qu’il faut enlever de ténèbres et les amener à la lumière, c’est-à-dire à la raison, la colonisation a entrainé des rapports sociaux différents et/ou autres : un certain nombre des mécanismes sociaux vont être organisés, surtout dans le domaine de l’éducation et de la santé, non pas dans l’intérêt du colonisé mais du colon, parce qu’il faut une forte main-d’œuvre. C’est ainsi que les droits sociaux dans les formes actuelles résiduelles ont émergé, concurrençant les formes traditionnelles.

 

Dans ce développement des mesures sociales résiduelles, l’idée était que les indigènes vont travailler et avoir, ainsi,  accès aux soins. Mais les régulations n’étaient pas les mêmes entre les métropoles et les colonies : il y avait, dans les colonies, un pouvoir central aux mains des gouverneurs qui organisaient la vie sociale, administrative et politique des colonies. Le budget des colonies était financé par ces colonies mêmes par le travail forcé et les impôts. Mais les questions sociales restaient pour compte: elles ne constituaient pas l’enjeu de la colonisation et, en plus, les colonies devaient être gérées dans le moindre coût en utilisant les chefs locaux et/ou coutumiers.

 

Parlant de l’Afrique moderne, les difficultés à mettre en œuvre les droits sociaux sont criantes, surtout avec le PAS (Programme d’Ajustement Structurel) imposé par les institutions à l’œuvre du capitalisme que sont la Banque mondiale et le FMI (Fond Monétaire International) qui ont imposé aux Etats du Sud la fameuse « dynamisation de l’économie qui réduit les charges sociales » ! C’est ainsi que dans les années 1990, les révoltes (ou rébellions) de toutes formes ont jaillies de partout débouchant à un nouveau questionnement des principes constitutionnels mettant en avant les revendications sociales et économiques (le droit à la santé, la redistribution des richesses, la protection de la famille, droits à l’emploi et au travail, etc.) ainsi que la protection de certaines catégories des populations : les jeunes, les femmes, les personnes âgées, les personnes handicapées.

 

Cependant, il est à souligner que cette fièvre constitutionnelle née des revendications sociales fortes n’a été que le mimétisme des principes et droits sociaux reconnus et mentionnés dans les constitutions des Etats occidentaux. Malgré les insuffisances et le manque de volonté politique de mettre en œuvre les droits sociaux proclamés, l’on se doit quand même de reconnaître l’aspect politique de ce mimétisme : non seulement il rejoint le vécu quotidien des populations, c’est un aspect de droit de porté éducatif et téléologique (avoir un horizon vers un but) qui inscrit les Etats vers un idéal et qui offre une base fondamentale. Et même si l’on peut considérer ces principes comme un luxe pour les sociétés qui n’ont pas les moyens des les accomplir, on ne peut pas se soustraire des droits sociaux sous-prétexte que l’on n’a pas des moyens de les honorer. La sécurité sociale n’a-t-elle pas connue son apogée pendant que les Etats sortaient de deux guerres mondiales ? La solidarité et la redistribution des richesses dans une optique de plein emploi sont donc l’affaire de l’Etat qui doit tout faire pour mettre en œuvre les droits sociaux et accompagner toute activité économique et sociale.

 

Les pratiques politiques et sociales de violation flagrante des principes constitutionnels sont partout, aussi bien dans les pays du Nord que ceux du Sud. Elles sont caractérisées par les inégalités qui se retrouvent dans l’écart qui existe entre l’administration publique et les besoins de sa population et sont constituées des marginalisations géographiques, politiques et sociales.

-          Marginalisations géographiques parce que les moyens sont plus axés dans les zones urbaines. Ces marginalisations font que les ressources nationales soient monopolisées par les citadins et tous les programmes économiques, politiques et sociaux sont focalisés dans les villes. D’où l’exode rural et le délaissement du rural.

-          Par marginalisations politiques nous faisons allusion au déficit démocratique. Il s’agit de l’absence de participation des populations aux choix politiques, aux décisions qui régissent la vie des citoyens.

-          Les marginalisations sociales sont les conséquences de ces deux marginalisations, car il y a un système inégalitaire d’accès aux droits selon que l’on soit en ville, du village ou de banlieues ; que l’on soit politicien ou paysan ; que l’on soit riche, modeste ou pauvre.

 

Pour toutes ces raisons, nous considérons que c’est le gouvernement qui est le premier violateur des principes constitutionnels déjà posés. Et même s’il n’y a pas de standard à atteindre ou fixé, il faut poser le minimum pour protéger les droits sociaux et assurer aux populations une vie décente et digne. 

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H
je n'ai pas de commentaire maintenant mais je peux tout simplement rqppeler que les droits pour lesquels nous nous battons et mourrons ne sont pas un plat de mets que les gournants nous apporteront gratuitement et nous n'auront a apporter que notre appetit.Les gouvrenements ont toujours eu et ont jusqu'aujourd'hui tendance a voiler nos droitsfondamentaux et toute personne au pouvoir est porte a en abuser.a suivre si mon mot vous interesse.
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M
<br /> <br /> Cher Khamisi,<br /> <br /> Je suis d'accord avec toi: les droits et les libertés sont les résultats des conquêtes et combats militants. C'est pour cette raison d'ailleurs que l'on ne peut pas baisser les bras, car<br /> rien n'est acquis: les gouvernements cherchent toujours à les restreindre et le combat est loin d'être gagné. En effet, il est de notre devoir de demeurer déterminant dans notre engagement pour<br /> la défense et la promotion des droits de l'homme. Mais comme "lorsque l'on ne sait pas ce que l'on cherche, on trouve ce que l'one ne comprend pas", notre rôle est d'informer, former et<br /> alerter et nous sommes tous concernés.<br /> <br /> <br /> <br />